Jazz on the web. Disques, concerts, archives filmées, découvertes et coups de coeur d'un passionné de jazz au hasard de ses tribulations sur le réseau.
Le Festival de Big Bands de Pertuis est un événement exemplaire à plus d'un titre, longévité, treize ans cet été, originalité, rien que des Big Bands, gratuité, à l'exception de la dernière soirée, organisation sans faille, sous l'impulsion de son fondateur, Léandre Grau, professeur au Conservatoire de musique du Sud Luberon, et surtout exceptionnelle qualité de la musique présentée, avec la contribution régulière de quelques uns des meilleurs instrumentistes des scènes locales, régionales et nationales.
L'édition d'août 1991 fut l'occasion de découvrir le nonette de Philippe Renault, à la tête de la classe de Jazz du Conservatoire de Marseille. Le disque était en vente sur place et je peux vous affirmer pour l'avoir réécouté en boucle pendant presque un mois entier que "Nap's dream", "A l'année prochaine" , "Bossa pour septembre" ainsi que le sublime et trop peu joué "Gnid" composé par Tadd Dameron suffiraient à rendre pêche et bonne humeur à un régiment de neurasthéniques.
On aura le plaisir de retrouver sur le site TV7 Provence une séquence video du nonet enregistrée à cette occasion.
[MAJ ] Cette vidéo n'est malheureusement plus disponible sur TV7provence.com
Le Festival de Big Bands de Pertuis, qui se tient tous les étés début août, n'est décidément pas un festival comme les autres. Il possède la remarquable particularité de n'inclure dans sa programmation que des "Big Bands", ces merveilleuses grosses machines à swing, qui connurent leur âge d'or aux alentours des années 30-40 avec les orchestres de Chick Webb, Jimmy Lunceford, Duke Ellington, Count Basie...
Romain Thivolle Big Band
Le big band de Romain Thivolle, enseignant au conservatoire de Toulon Provence Méditerranée et par ailleurs guitariste de la Musique des Équipages de la Flotte de Toulon, qui regroupe des musiciens de la région, est à lui tout seul un exemple de cette accessibilité sans compromis, tant par la joie de jouer communicative que par l'excellence des solistes, au service d'un répertoire original, reposant en partie sur une habile réorchestration de standards de la pop music (Sting, Beatles) , du Rythm'n Blues (Stevie Wonder), plutôt inhabituels en ce contexte, mais que métamorphosent des arrangements aussi somptueux qu'efficaces, du guitariste leader. A ne pas manquer par ailleurs les reprises de Claude Nougaro (Cecile, les Don Juan) , que je ne suis pas le seul à considérer comme un jazzman à part entière.
Je conseille donc vivement à tous ceux qui n'y étaient pas, de se procurer d'urgence le premier disque du Romain Thivolle Big Band, reflet fidèle d'un concert mémorable, d'où émergent deux très belles compositions originales du leader, "Harlem speaks" et "Snowy Sunday In Central Park". Le "Four on Six" de Wes Montgomery y reçoit un traitement très habile pour le moins inédit. Quand à "John Mosca in Pertuis", composé spécialement pour l'occasion, Romain Thivolle vint nous expliquer qu'il s'agissait d'un petit clin d'oeil à John Mosca, actuel leader de l'ex "Thad Jones Mel Lewis Big Band".
Merveilleusement soutenu par l'orchestre, Philipe Renault y joua à la perfection le temps de quelques chorus le rôle du John Mosca de Pertuis. Tempo medium, souple pulsation sur les quatre temps d'une basse et d'une guitare limpides, cymbale feutrée du batteur à la Mel Lewis, opulence de la section des saxes à l'unisson, comme dans le "Groove Merchant" de Jerome Richardson. Pour un peu en fermant les yeux on aurait pu se croire quelques années plus tôt, aux premières loges d'une de ces fameuses sessions du lundi, au Village Vanguard à New-York !
PS: Je trouve à l'instant sur youtube deux vidéos de Romain Thivolle, tout à fait caractéristiques de ce que nous avons pu entendre à Pertuis cet été, avec mes excuses à Bertrand Borgognone, pour n'avoir pas fait état de ses excellentes prestations vocales (Cecile, Roxanne etc...) et que voici, que voilà à présent:
De nombreux autres extraits sonores et vidéos sont disponibles sur le site de Romain Thivolle
On aura le plaisir de retrouver Philippe Renault le lendemain en première partie de concert, à la tête d'un formidable nonet, composé d'élèves de la classe de jazz du conservatoire de Marseille. Disons le tout net, ça pète le feu ! Habileté des arrangements dans la mise valeur des solistes, précision de la mise en place, swing torride, tout y est, on y retrouve l'incomparable vitalité des petites formations du style West Coast, dans la Californie des années cinquante, celles de Howard Rumsey, ou de Lennie Niehaus.
Le répertoire est entièrement dans cet esprit, avec des compositions de Marty Paich, Ernie Wilkins, Joe Newman, dont un de mes thèmes favoris, le somptueux et si peu, voire jamais, joué "Gnid" de Tadd Dameron. Interrrogé à ce sujet Philippe Renault m'a confirmé qu'il n'en connaissait aucune autre version que celle présente dans le disque de Tadd Dameron avec John Coltrane. Je n'en oublie par pour autant les les très belles compositions de Philippe Laudet, et que l'on retrouvera un peu plus tard en grande formation.
Philippe Laudet Big Band (A jazz odyssey)
Et c'est donc à Philippe Laudet en personne qu'il revenait de terminer la soirée, à la tête de son rutilant big band, "Jazz Odyssée" ex "Ornicar", pour ceux qui se souviennent des disque enregistrés il y a une dizaine d'années, dont le premier avec Joe Henderson en invité. On y entendra les compositions originales du trompettiste/pianiste/leader et par ailleurs ingénieur au CNES, spécialisé dans les satellites, ce qui explique sans doute le côté très SF des intitulés ("David Blowmer Détective de l'espace", "Sagittarius A", "Cassiopée" etc...), ainsi que la citation des fameuses cinq notes des "Rencontres du troisième type", dans un "In a Mellow Tone" revisité.
La formation est en nombre réduit malgré les apparences(12 musiciens) . Et pourtant ça claque, ça sonne, ça rugit, sous l'impulsion d'une section rythmique bien huilée, avec tout l'éclat des cuivres, le moelleux des unissons de saxes, ainsi qu'une mise en place encadrée au millimètre par les pêches du batteur. Un vrai "Dream Band", comme s'intitulait à l'époque celui de Terry Gibbs.
On retrouvera Philippe Renault venu rejoindre l'orchestre en fin de concert sous les étoiles pour plusieurs chorus de trombone sur "Nautilus, autre très beau thème de Philippe Laudet.