lundi 21 décembre 2015

Henri Florens, Marion Rampal, Raphaël Imbert au Café Provisoire à Manosque

Tous ceux qui eurent la bonne fortune de se trouver au Café Provisoire de la MJC de Manosque en cette soirée du 12 décembre ne l'oublieront pas de sitôt. Rassemblés pour la première fois sur une scène Henri Florens, Raphaël Imbert et Marion Rampal nous offrirent un concert d'une belle intensité, tant musicale qu'émotionnelle. Complicité, sensibilité, feeling étaient là comme rarement. Henri Florens est un immense pianiste, à la réputation trop confidentielle bien qu'il ait accompagné les plus grands, Chet Baker, entre autres. Aussi curieux que cela puisse paraître, car ils se connaissent de longue date, Raphaël Imbert et lui n'avaient jamais encore eu l'occasion de jouer ensemble.


Marion Rampal, que je découvrais pour la première fois en direct est une chanteuse  merveilleuse. L'ampleur de son registre et la perfection de sa technique vocale la rendent aussi bien capable de faire swinguer les paroles d'un standard du jazz que de restituer à la  perfection une aria du grand répertoire classique. Faisant partie depuis 2005 de la Compagnie Nine Spirit, c'était loin d'être  sa première rencontre avec Raphaël Imbert avec lequel elle enregistra l'album « Heaven » dans le cadre du projet « Mozart Duke Ellington » de ce dernier. 

Ce qui suit est en quelque sorte la playlist du concert illustrée des versions originales trouvées sur YouTube.

En ouverture de concert, « Love or Leave me », ici dans ma version préférée, celle du Miles Davis All Stars avec Dave Schildkraut à l'alto, Horace Silver, Percy Heath et Kenny Clarke à la batterie dont on appréciera le très bel accompagnement aux balais.



« Love me or leave me » interprété en duo  lors d'une soirée à la Meson à Marseille, par Henri et Marion



« In Walked Bud », composition de Thelonious Monk:


Marion nous l'interpréta  en mode vocalese comme dans cette version avec paroles ajoutée par John et Michele Hendricks, avec Charlie Rouse et la très monkienne section rythmique  d'origine formée par Larry Gales et Ben Riley, avec  Walter Davis au piano.



« Ugly Beauty », une autre superbe composition de Thelonious Monk:


« Someone to Watch over me» , un grand standard de Georges Gershwin, dans une interprétation d'Ella Fitzgerald:



« Sans toi», dans le film Cléo de 5 à 7 d'Agnès Varda:


Et dans sa reprise par Marion Rampal :  LosT ArT sOng (Sans Toi, Marion Rampal & Pierre-François Blanchard)


Démontrant la polyvalence de sa voix avec toute ses ressources expressives, Marion sut  nous transmettre  toute l'émotion du célèbre lamento de la mort de Didon dans l'Enée de Purcell.


Le répertoire, d'une remarquable variété au meilleur sens du terme change de registre avec le « Que reste-t-il de nos amours » du grand Charles Trenet:


« Twisted»  à présent, une composition du saxophoniste Wardell Gray dans sa version originale:


Marion nous en livre alors  l'adaptation vocale réalisée par Annie  Ross, où elle raconte ses déboires avec son psychanalyste, ainsi que dans cet extrait. 

My analyst told me that I was right out of my head
The way he described it, he said I'd be better dead than live
I didn't listen to his jive
I knew all along he was all wrong
And I knew that he thought I was crazy but I'm not
Oh no



« Youkali » est une magnifique mélodie. Elle fut composée par Kurt Weil sur des paroles de Jacques Fernay pour une pièce intitulé Marie-Galante et donnée à Paris en 1934. Marion Rampal en a donné ce soir là une envoûtante version:

C’est presque au bout du monde
Ma barque vagabonde
Errant au gré de l’onde
M’y conduisit un jour
L’île est toute petite
Mais la fée qui l’habite
Gentiment nous invite
À en faire le tour
Youkali, c’est le pays de nos désirs
Youkali, c’est le bonheur, c’est le plaisir
Youkali, c’est la terre où l’on quitte tous les soucis
C’est, dans notre nuit, comme une éclaircie
L’étoile qu’on suit, c’est Youkali

« Come Sunday » de Duke Ellington, dans sa version de référence,


Un avant dernier « Autumn Leaves », pour finir, ici  dans une de ses plus belles versions, celle de Miles Davis en guest star lors  de la session d'enregistrement de l'album Blue Note « Somethin' Else » de Canonball Adderley.  



En bis, un vent de jam session avec un euphorique « I am Beginnin' »  to see the light



Et en rappel de rappel enfin, tant on eût aimé que tout ceci se prolonge, Henri Florens, revenu seul sur scène au piano, et qui nous avait emmené auparavant dans des variation autour de Scriabine improvise encore sur un thème de Bill Evans, le dernier qu'il ait composé avant sa mort, émouvant hommage du disciple à son maître.