samedi 14 septembre 2013

Quatre disques de Christian McBride...

Christian McBride a le physique opulent du son de sa contrebasse, ample et généreux. Il est l'héritier des  bassistes à la ligne puissante et imperturbable, les Doug Watkins, Paul Chambers, Wilbur Ware, et Ray Brown bien sûr, avec lequel il avait formé le mémorable et impressionnant Superbass, une formation de trois contrebasses, en compagnie de John Clayton. (Ici dans "Blue Monk" enregistré en 1997 à Cologne avec le big band de la WDR)




"Kind of Brown" donne à entendre un jazz mainstream d'excellente facture,  qui n'oublie jamais de swinguer. C'est le genre de choses qu'on peut entendre jour et nuit sur wbgo.org, radio jazz basée dans le New Jersey à Newark, l'une des meilleures sur internet avec "The bay area jazz station", la californienne kcsm.org à San Mateo. L'esprit est celui  des sessions "Blue Note" de la fin des années soixante. La couleur donnée par le vibraphone de Warren Wolf fait  penser aux disques de Bobby Hutcherson, mais aussi à à "The Sequel" du regretté Mulgrew Miller, où l'on retrouve à l'exception de la trompette de Dave Eubanks, une instrumentation identique  et dans les deux enregistrements les  saxophones  alto et soprano de Steve Wilson.


La pièce maîtresse de l'ensemble est "The Shade Of The Cedar Tree", une composition tout à fait enthousiasmante de Christian McBride, l'une de celles que l'on aime à  se repasser en boucle. Le titre est un hommage à Cedar Walton dont la disparition le 28 août dernier, peu après celle Mulgrew Miller, est venue raréfier le cercle restreint des très grands maîtres historiques du piano "hardbop" encore en activité. Christian McBride a su parfaitement retrouver dans ce thème la couleur et la dynamique très particulière d'autres compositions mémorables de Cedar Walton, telles "Mosaïc", "Fantasy in D" (alias  "Ugetsu" avec les Jazz Messengers), ou "Bolivia". Il semble d'ailleurs l'affectionner particulièrement pour l'avoir incluse au répertoire de son big band et à chacun de ses concerts.


"People Music" reprend une instrumentation identique. En présentant le disque en avril dernier à sa sortie dans  Openjazz, Alex Dutilh avait fait fort justement remarquer que le remplacement  par le vibraphone  de la trompette plutôt attendue dans ce contexte amenait à Christian McBride des possibilités harmoniques tout à fait particulières. On retrouve aussi la forte empreinte "Blue Note" de "Kind of Brown". 

Le titre phare de l'album est "Listen to the Heroes Cry", une autre  composition du bassiste qui me rappelle par  le balancement de son ample introduction deux autres thèmes: "Armageddon" de Wayne Shorter dans l'album "Night Dreamer" ainsi que "In Search of the New Land" dans l'album éponyme de Lee Morgan. Sur cette piste, Ulysses Owen Jr. est à la batterie aux côtés de Christian Sands au piano, partageant le reste de la  session  avec  Peter Martin et Carl Allen.



"The Good Feeling" porte bien son titre. Christian McBride est ici à la tête d'un Big Band, où il a rassemblé la crème des musiciens de la nouvelle scène New Yorkaise: une solide section de saxes (Steve WilsonTodd BashoreRon BlakeTodd WilliamsLoren SchoenbergCarl Maraghi), une brillante section de cuivres (Frank GreeneNicolas PaytonNabate Isles à la trompette) et  Steve DavisMichael DeaseJames BurtonDouglas Purviance aux trombones et trombone basse. Le tout est emmené par Mcbride, Xavier Davis au piano, avec à la batterie le percutant Ulysses Owen Jr, qui trouve également au sein  d'une grande formation l'occasion de faire des étincelles.

On retrouve une version magnifiée de "The Shade of the Cedar Tree", ainsi que des arrangements d'une redoutable efficacité, dans la grande tradition des  Bill Holman et autres Sam Nestico chez Count Basie que la reprise de "Broadway" ne manque pas d'évoquer évidemment.



"Out There" vient de sortir et fait entendre le trio de Christian McBride dans une grande variété de climats et de tempo, dont une reprise de "My Favorite Things", deux ballades, "I Guess I'll Have to Forget", "I have dreamed" qui met en valeur le son profond du  bassiste à l'archet, un superbe "East of the Sun (and West of the Moon)" en tempo medium comme il se doit, un "Hallelluiah Time" où Mcbride et Owen Jr font irrésistiblement penser à Ray Brown et Ed Thigpen quand ils propulsaient les envolées d'Oscar Peterson, et pour finir  ce qui semble être devenu le morceau  de bravoure incontournable de la formation, un "Cherokee" survitaminé. 

L'introduction à la basse et aux balais par Mc Bride et Owen Jr est un grand moment de swing intense tout comme l'instant où ce dernier passe en un éclair  des balais aux cymbales. Le dialogue avec McBride met en vedette Ulysses Owen, d'abord sur la caisse claire aux balais, qu'on a rarement entendus aussi percutants depuis Philly Joe Jones, et aux baguettes ensuite sur le reste de l'instrument, pour  quelques mesures explosives avant la reprise du thème et une coda ausssi abrupte que  millimétrée.



Autant de raisons d'écouter (et d'acheter, merci pour eux...) ce disque que Christian McBride a tenu  à présenter lui-même en détail sur  son site, christianmcbride.com aux côtés de son batteur Ulysses Owen ("a dynamo little bird " !) et  où il évoque son mentor, son héros, Ray Brown...




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