lundi 2 février 2015

Deux chanteuses oubliées, et qui ne méritent pas de l'être.

Après l'indispensable Petit Dictionnaire Incomplet des Incompris  d'Alain Gerber, il faudra aussi un jour écrire celui des Oublié(e)s. Ce sont du reste parfois les mêmes. Ils ou elles ont joué, chanté à la faveur d'une réputation éphémère ou confidentielle, et puis s'en sont allé(es), disparaissant de la mémoire et  de la grande histoire.



Le catalogue de l'éditeur Fresh Sound recèle à cet égard de nombreux incroyables trésors retrouvés à la faveur d'opportunes et souvent improbables rééditions.

Curieusement, mais en fait non si l'on considère leur statut resté longtemps subsidiaire, pour ne pas dire  simplement récréatif ou pire encore décoratif, au sein des orchestres de jazz, à l'exception des  Ella, Billie, ou Sarah devenues divas à leur manière, il s'agit souvent de chanteuses.

Lucy Ann Polk et Joy Bryan en sont le parfait exemple. (Il faudra aussi parler un jour de Dolores Gray, Carol Sloane, Linda Lawson, Jeri Southern, Joannie Sommers, Beverly Kenney, Lorez Alexandria, Teri Thornton, Carline Rey et tant d'autres.) Les  discographies de Lucy Ann Polk et de Joy Bryan  ont en commun de ne comporter que deux enregistrements répertoriés et réédités en CD, ainsi que sur deux d'entre eux le fait  de bénéficier d'arrangements de Marty Paich. La présence du nom de ce dernier sur une pochette vaut toujours à elle seule garantie d'excellence.

En ce qui concerne Lucy Ann Polk, la notice Wikipedia est des plus succinctes, et il en faudra plus pour donner à sa biographie l'épaisseur de celle consacrée par Ellen Johnson à  Sheila Jordan,  à la carrière et à la notoriété sans commune mesure il est vrai.




Une première session, enregistrée à Hollywood en juillet 1953 nous la fait entendre sur de célèbres compositions de Burke & Van Heusen, au sein du Dave Pell Octet, accompagnée par Don Fagerquist (tp),  Dave Pell (ts) et Claude Williamson au piano, sur des arrangements de Shorty Rogers, autant dire ce qui se faisait de mieux à l'époque parmi les West Coasters.



"Swingin on a star", "Polka dots and moonbeams", "It could happen to you", sur toutes les plages la musique coule, limpide et heureuse.  L'exactitude dans la nonchalance, rien ne saurait mieux caractériser ce jazz californien des années cinquante. On ne peut que repenser en l' écoutant à ce qu'en disait il y a quelques années  Jacques Réda:

La West Coast... Qui s'y aventure s'y repose,
parmi des ombres et des clartés qu'un vent frais balance dans la tiédeur,
dans un espace clos où l'on voit miroiter au loin, par des trouées, la mer.

It could Happen to You:



But Beautiful:

Swingin' on a star:

La seconde session fut  enregistrée quatre ans plus tard, toujours à Hollywood, le 12 juillet 1957, publiée sur le label Mode sous le titre  "Lucky Lucy Ann". Lucy Ann Polk  avait alors trente ans. Comme souvent, Marty Paich y officie à la fois comme pianiste et comme arrangeur. On lui doit en particulier ce jubilatoire "Don Cha Way Go Mad", composé par Illinois Jacquet et Jimmy Mundy, sur des paroles d'Al Stillman,  et popularisé dans les versions de  Mel Tormé, Ella Fitzgerald et Frank Sinatra. On ne manquera pas en passant d'apprécier le délicieux "rendezvous" de Lucy Ann  dans:

"I must confess what you say is true
I had a rendezvous with somebody new
That's the only one I ever had
Baby, baby, don'cha go away mad"



How about You:

Just  A-Sittin  and  A-Rockin:



On prêtera de plus attention sur ces plages à la pulsation toute en souplesse et fluidité  entretenue par le tandem basse batterie Buddy Clark /  Mel Lewis. Le saxophone ténor mériterait à lui tout seul de figurer au répertoire des inconnus illustres, puisqu'il s'agit de Bob Hardaway, multi instrumentiste très actif dans le cadre des enregistrements de musiques de films pour les studios hollywoodiens. On peut trouver encore en édition japonaise un des rares disques,  probablement  le seul, enregistré sous son nom, en quartet avec Marty Paich et Larry Bunker, pour  le label Bethlehem (Bethlehem BCP 1026) alors même  qu'il avait  participé a de très nombreuses sessions en Big Band (avec Woody Herman et Stan Kenton notamment).



Pour la petite histoire Bob Hardaway est le fils de J.B. "Bugs" Hardaway, créateur du personnage de Bugs Bunny,  ainsi que plus tard celui de Woody WoodPecker pour les studios  de Walter Lantz.




A suivre Joy Bryan...

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