Une de nos plaisanteries favorites, avec mon copain Roland, lui aussi amateur d'excellente musique et fin connaisseur de blues et de british rock, était de catégoriser nos disques respectifs en "pur chef-d'oeuvres", "essentiels", "indispensables", et autres "raretés", auxquels je m'empressai d'ajouter celle des "bons petits disques", expression utilisée au cours des mémorables séances de blindfold test qui avaient lieu chez un autre ami, Jean Paul Florens, prof de jazz à Marseille et par ailleurs excellent guitariste.
Il s'agissait d'identifier tous les musiciens jouant sur les morceaux que chacun venait tour à tour proposer à la sagacité des autres. C'était surtout une occasion unique de découvrir de très nombreux "bons petits disques", bien évidemment beaucoup moins connus que le "So What" de Miles Davis. C'était aussi l'époque où le collectionneur avait beaucoup plus difficilement accès qu'aujourd'hui aux albums originaux publiés aux Etats-Unis sur les labels Prestige, Blue Note, Riverside, Contemporary et d' autres moins connus comme Argo, Pacific Jazz ou Vee Jay.
Or il se trouve que certains "bons petits disques" finissent par devenir avec le temps et l'écoute répétée, de très grands disques, accédant ainsi au statut d' "essentiels", voir même d' "indispensables".
Ce sont peut-être ceux-là que l'amateur finit par affectionner autant sinon plus que des chef-d'oeuvres plus notoires et ceux là aussi que probablement il finirait par emporter sur la fameuse île déserte (ce qui au passage soulève immédiatement la question: mais comment va-t-il pouvoir y brancher son ipod ?).
C'est sûrement le cas de ce "Blue Soul", une session dirigée par le trompettiste Blue Mitchell, et enregistrée en septembre 1959 pour Riverside, label mythique fondé par Orin Keepnews dans ces années là. La pochette originale de l'édition vinyle est en elle même un superbe collector, avec sa typo en couleurs sur une très belle photo en noir et blanc de Blue Mitchell.
Le contenu est quant à lui un véritable régal, à commencer par "Minor vamp" et son démarrage au quart de tour par la seule ligne de basse de Sam Jones en prélude à l'énergique entrée en scène du leader, suivi d'un motif répété (vamp) au trombone et sax ténor. Pendant le chorus de Wynton Kelly, aisément reconnaissable à sa manière unique, à la fois légère et dansante de faire rebondir la mélodie de mesure en mesure, le tandem basse batterie tourne à plein régime et swingue avec une intensité croissante qu' accentuent facétieusement les doubles rim shot frappés sur le rebord de sa caisse claire par un Philly Joe Jones très en verve.
Le reste du disque est à l'avenant, avec une mention spéciale pour "Nica's Dream", cette composition de Horace Silver, qui est l'un des plus beaux thème souvent repris au répertoire des jazzmen. Elle vient rappeler que Blue Mitchell, en compagnie de Junior Cook puis de Joe Henderson fit partie de la formation du pianiste de 1959 à 1964, contribuant à ces disques devenus depuis des classiques, sur lesquels je ne manquerai pas de revenir.
1959 Finger poppin, Blowin the blues away
1960 Horace-scope
1961 Doin' the thing at the Village Gate
1962 Tokyo Blues
1963 Silver's Serenade
1964 Song for my father
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