vendredi 1 avril 2011

Tadd Dameron, poète du Be Bop

En dépit de son influence sur les acteurs de la révolution du Be Bop, aux côtés de Charlie Parker, Dizzy Gillespie et Miles Davis, et de sa participation active à celle-ci, ("Hot House", sur les harmonies du "What is this thing called love" de Cole  Porter, c'est lui),  voici  encore un des grands artistes les plus méconnus et sous-estimés de toute  l'histoire du jazz, le pianiste et arrangeur Tadd Dameron. J'ai ressenti très tôt une très particulière attirance  pour ses compositions, ses arrangements ainsi que son jeu de pianiste, si atypique.



C'est dans le disque "Mating Call", en compagnie de John Coltrane, que son originalité m'apparut clairement, avec trois compositions  caractéristiques, qui suffiraient à résumer l' "esprit" Dameron, "Mating Call", "Gnid"  et le tout à fait magique "On a misty night". Quant à "Soultrane" c'est une des plus belles ballades que je connaisse, dont l'émotion est portée à son comble par le chant méditatif et lyrique de John Coltrane.

Ce disque est un des rares à donner l'occasion d'entendre de longs solos de Tadd Dameron, simplement accompagné de la section rythmique, et de Philly Joe Jones, qui en fut toujours très proche , et lui rendit un merveilleux hommage il y a quelques années sous la forme de deux  disques intitulés "Dameronia", devenus introuvables, mais fort heureusement réédités en  CD il y a peu.

Tadd Dameron pianiste est aussi loin qu'on peut l'être de de la virtuosité et du déluge de notes à la Oscar Peterson. Son jeu est délicat, aéré, avec des silences et des discontinuités un peu monkiennes, mais sans aucune aspérité. C'est un jeu d'arrangeur, où où sont principalement mis en valeur les enchaînements d'accords. Par l'économie, la légèreté, la couleur, on dirait un Count Basie bop, mais qui aurait beaucoup écouté Maurice Ravel.

Toutes ses qualités se retrouvent transcendées en  somptueux arrangements  dans un des rares albums publiés sous son nom sinon le seul. Il s'agit de "The Magic Touch" où l'on retrouve deux versions de "On a misty Night", qui offrent  un écrin à l'improvisation de  Johnny Griffin, avec comme il se doit le soutien impérial de Philly Joe Jones. 


Les autres trésors à découvrir dans ce disque sont "If you could see me now", somptueuse ballade, elle aussi, "Dial S for Beauty" et "Fontainebleau". L'orchestration, typiquement Dameronienne, y déploie les chatoiements d'une instrumentation originale, qui parvient à faire  sonner une moyenne formation comme un big band.

Par son écriture, ses couleurs sonores et la poésie des climats qu'elle instaure, la musique de Tadd Dameron demeure aujourd'hui d'une ineffable beauté. 

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